à Jérémy

 

En contrôlant par les minuscules croisillons
des rideaux plissés, tombant dans ma chambre
d’hôtel comme une cascade mousseuse de tissu
industriel, pour voir le bleu du ciel, avant
d’aller courir vers les quatre-vingt chevaux
sauvages se délassant dit-on près du château
de Jelgava au bout de l’île trempée de vert,
je pense que la forme — la forme d’une œuvre
et de toute chose — n’est pas une fin en soi
mais un moyen obscur vers l’obscur informe :
et la rivière Driksa est un bras du Lielupe,
qui se jetait farouche dans la large Daugava
jusqu’à ce qu’entre 1755 et 1757 — Wikipédia
dixit — le lit de la Lielupe évolue, qu’elle
tel un poisson se fraye un chemin jusqu’à la
Mer Baltique : la pointe du fleuve tâtonnant
comme une main dans la plaine à la recherche
d’un tuteur, une plus grosse rivière que soi
ou un fleuve, la mer elle-même, et l’océan —
j’ignore si obscurément les chevaux sauvages
au sein de la prison de l’île recherchent ou
non à leur tour comment se dépasser dans une
forme plus vaste, à même d’aboucher l’espèce
non à quelque absolu mais à quelque informe,
mais j’imagine qu’il en va de la plupart des
étants comme des rivières : une chose essaie
d’être libre, et pour y parvenir doit lancer
son bras vers quelque chose de plus terrible
qu’elle, la vaine forme de son apparaître ne
lui servant qu’à s’assurer dans le monde des
moindres phénomènes une sorte de prise, afin
de se propulser hors, de manière à ce que sa
forme, promesse pourtant malaisément tenable
a priori, soit, balourde, l’une des prémices
d’un informe qui se cherchant se contredit :
elle le porte en son cœur, il est sa vérité,
elle le délivrera parce qu’elle espère qu’il
la délivre et l’abolisse dans l’air illimité

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