Chaos demeure. Le siècle, cette fois-ci, n’aura pas eu sa chance.
Si l’on n’a pas entendu, dans l’explosion des tours jumelles lorsque les pénétrèrent les deux avions libres et fiers, le motif magnifique d’une bouteille se brisant, disséminant soudain la lumière diffractée dans une infinité de fragments de verre, c’est que l’imagination des poètes ne semblait plus, à la prise du luth, que le fond désolé d’un lac, vide : ils restèrent là dans leur bouche boueuse, tétanisés. Seul l’un d’eux, au prix d’une horrible grimace, parvint à chantonner qu’à travers les gratte-ciels c’était son corps, c’était sa langue qu’on avait fait voler, en éclats – après quoi resteraient les organes épars de la diversité. On le félicita ; une déclaration, officielle, vint entériner son constat, et l’assemblée
fit voter les crédits pour la guerre. La guerre civile.
(extrait des Gestes impossibles, à paraître en octobre chez Flammarion.)
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