1. 1. Le titre : The Waste land
1. 1. 1. On apprend ici que « le titre du poème de T. S. Eliot trouve probablement son origine dans Le Morte d’Arthur de Malory ». On apprend aussi qu’un poème « assez semblable dans le thème et la langue, appelé Waste Land, écrit par Madison Cawein, fut publié en 1913 » et que le titre original d’Eliot pour son propre ouvrage était He do the Policemen in Different Voices, ce que le site nous présente comme une référence à Our Mutual Friend de Charles Dickens. [Que nous apprennent ces multiples renvois, sinon que nous n’inventons pas les mots, et piquons nos phrases dans un répertoire culturel ? Ces ouvrages nous donnent-ils des clés de lecture pour comprendre The Waste land – ou s’agit-il simplement de pointer une origine ? Et d’être content avec cela ?]
1. 1. 2. Eliot, dans ses propres notes, écrit ceci (je cite la trad. Pierre Leyris) : « Non seulement le titre, mais le plan et, pour une bonne part, le symbolisme accidentel de ce poème ont été suggérés par le livre de Miss Jessie L. Weston sur la légende du Graal : From Ritual to Romance (Cambridge). Je lui dois tant, en vérité, que le livre de Miss Weston élucidera les difficultés du poème beaucoup mieux que mes notes sauraient le faire ; et je recommande (indépendamment du grand intérêt qu’il présente par lui-même) à quiconque penserait que ladite élucidation en vaut la peine. Etc. »
1. 1. 2. 1. N’est-il pas intéressant de voir comme cette élucidation (elucidation en anglais) nous renvoie d’un texte à l’autre : du texte aux notes, des notes au livre de Weston, du livre de Weston à la légende du Graal ? Où faut-il s’arrêter ? Faut-il s’arrêter ?
1. 1. 3. The Waste Land. Quant à moi, je propose de traduire le titre par « La terre inculte », plutôt que « La terre vaine », comme P. Leyris et la tradition (pour une raison que j’ignore) : il me semble que si « La terre vaine » est plus « poétique », c’est au prix de la perte absolue du sens littéral de l’expression « The waste land », qui me semble présent en anglais (comme l’atteste le dictionnaire). Et Eliot ne voulait-il pas tordre le cou à ce qui jusque là était poétique ?
1. 2. Au-dessous du titre, on a une date, qu’on imagine être celle de la composition (1921-1922), mais à c’est à creuser, et une exergue écrite dans un mélange de latin et de grec.
1. 2. 1. D’après le premier site (voir 0. 3), il s’agit d’un passage du chapitre 48 du Satyricon de Pétrone. Voici une traduction française :
J’ai même vu, de mes yeux vu, la Sibylle de Cumes suspendue dans une fiole, et quand les enfants lui demandaient, en grec : « Sibylle, que veux-tu ? » la pauvre répondait, en grec aussi : « Je veux mourir. » (trad. qui vient d’ici)
1. 2. 1. 1. La Sybille de Cumes a gagné l’immortalité, mais elle a omis de demander à Apollon de lui accorder également la jeunesse éternelle : elle vit éternellement, mais de plus en plus vieille, ratatinée, minuscule, vivant finalement dans une espèce de fiole (lire par exemple ici).
1. 3. Sous la citation, enfin, cette dédicace :
For Ezra Pound
il miglior fabbro.
1. 3. 1. Ezra Pound.
1. 3. 2. L’inscription en italien, qui signifie « le meilleur artisan », sort de Dante (Purgatoire, XXVI, 117). C’est le poète Guido Guinizelli qui parle de son prédécesseur, le poète Provençal (et l’on connaît l’importance des poètes provençaux pour Pound) Arnaut Daniel, « le meilleur artisan de sa langue maternelle ».
1. 3. 2. 1. Si Eliot annonce lui-même que son poème ne participe que d’un symbolisme accidentel (voir 1. 1. 2. ) Une telle dédicace est sans nul doute cette fois-ci saturée de significations : Dante le fondateur de l’humanisme (Pound ne rêvait-il pas à une nouvelle Renaissance ?), le créateur de l’épopée moderne, etc.
(À suivre…)