Il n’y a pas, semble-t-il, de narrateur dans Parabole. Ou plutôt : quoique la narration ne soit jamais transparente (c’est bien quelqu’un qui parle), cette fonction ne semble être assumée par aucun personnage en particulier. Et même quand, au milieu du texte, Faulkner semble prêter, par exemple au vieux prédicateur Noir, le récit de sa propre histoire, la narration dévie immédiatement, comme des eaux en crue – jusqu’à ce que la fonction narratrice soit à nouveau troublée et qu’on ne sache plus qui parle :
Ce fut le deuxième jour, puis le troisième et l’avocat avait établi son quartier général ou son poste de commandant dans le cabinet du juge contigu au tribunal, au palais de justice, non pas avec le consentement ni même la complaisance passive du juge, qui était un juge circulant, suivait simplement l’itinéraire des audiences, n’habitait pas la localité et n’avait pas même été consulté, pas davantage avec l’assentiment de la ville, mais par volonté de celle-ci, de sorte qu’il importait peu que le juge fût aussi franc-maçon ou ne le fût pas ; et, ce jour-là, chez le coiffeur, l’avocat vit le journal de Saint-Louis de la veille au soir sur lequel figurait quelque chose qui avait la prétention d’être une photo du vieux nègre, avec le signalement habituel et même une supposition quant au montant de la somme qui se trouvait dans les basques de la redingote, le coiffeur occupé avec un autre client ayant vraisemblablement jeté au moins une fois un bref coup d’oeil sur l’avocat en train de regarder le journal, car il dit : « Il y a tant de gens qui le cherchent qu’on devrait le trouver », puis un silence, et alors une voix venant de l’autre extrémité de la boutique, parlant pour rien ni pour personne et sans la moindre expression : « Plusieurs milliers de dollars. » (Parabole, p. 243-244.) (suite…)
Ce fut le deuxième jour, puis le troisième et l’avocat avait établi son quartier général ou son poste de commandant dans le cabinet du juge contigu au tribunal, au palais de justice, non pas avec le consentement ni même la complaisance passive du juge, qui était un juge circulant, suivait simplement l’itinéraire des audiences, n’habitait pas la localité et n’avait pas même été consulté, pas davantage avec l’assentiment de la ville, mais par volonté de celle-ci, de sorte qu’il importait peu que le juge fût aussi franc-maçon ou ne le fût pas ; et, ce jour-là, chez le coiffeur, l’avocat vit le journal de Saint-Louis de la veille au soir sur lequel figurait quelque chose qui avait la prétention d’être une photo du vieux nègre, avec le signalement habituel et même une supposition quant au montant de la somme qui se trouvait dans les basques de la redingote, le coiffeur occupé avec un autre client ayant vraisemblablement jeté au moins une fois un bref coup d’oeil sur l’avocat en train de regarder le journal, car il dit : « Il y a tant de gens qui le cherchent qu’on devrait le trouver », puis un silence, et alors une voix venant de l’autre extrémité de la boutique, parlant pour rien ni pour personne et sans la moindre expression : « Plusieurs milliers de dollars. » (Parabole, p. 243-244.)