Je vois trois genres de poèmes en vers : les coulées, les tas et les nœuds.
Dans une coulée, les vers se succèdent les uns aux autres comme dans une rivière, ou un torrent, chacun préparé par le précédent et se prolongeant dans le suivant, comme si le poème n’était tout entier qu’une longue phrase, l’incarnation, la matière du temps. La lecture est une descente en rafting, plus ou moins accidentée. (Poèmes longs)
Dans un tas, les vers sont posés les uns au-dessus des autres, la lecture agissant comme une hache qui débite les rondins de bois du poème. Le temps est ici contesté par la co-présence de tous les vers qui, coexistant chacun dans son couloir, partent en même comme des sprinters sur leur piste d’athlétisme. (Poèmes courts)
Dans un nœud, le poème est un organisme où chaque élément agit sur le suivant et rétroagit sur le précédent, où tout est emmêlé dans tout. Le passage à la ligne du vers agit ici ni comme un diverticule accélérant le courant, ni comme une hache débitant ses rondins, mais proprement comme un mètre, dont la commensurabilité (que permet un schème formel) avec tous les autres mètres fait le nœud. (Sonnets, dizains)
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