De cercle en cercle Emily nous guidait. Nous arrivions toujours trop tard à l’un-de-deux-trois-soleil de l’être : on se tournait, les choses étaient figées, fomentées et vieillies dans leur ombre mousseuse. Dehors les gens couraient (à rien la plupart ne connaissent ou si peu, rien) en parlant fort de musiques désaccordées : autant rester dans le foyer à composer sur le mélodica. Je l’ai vu passer par le trou de la syntaxe, dit-elle soudain. Savant, des processus chimiques à la physique sociale et même à la disparition des bêtes, il prétendait pouvoir penser ou réciter pièce après pièce jusqu’à la complétion de notre puzzle le réel ; il crépitait de cristaux magnifiques comme des dents en or, j’aimais ses phrases en construction dansant dans l’air tel un ballet de jambes ! On veut imaginer qu’entre ici et là-bas ce souffle lèvera le voile couvrant les choses ; mais nous aurons seulement, comme par inversion, leur squelette tordu. Ferme les fenêtres. La nuit, j’allume une bougie, tombe.
.
.
Rendez-vous jeudi 17 octobre à 19h30 à L’Ours et la Vieille Grille (9 rue Larrey, 75005 Paris). J’échangerai avec Mélanie Cessiecq-Duprat à l’occasion de la parution de Vision composée. 20 poèmes d’Emily Dickinson traduits et commentés (éditions Exopotamie, 2024). On discutera de la poésie d’E. D. ; de ses visions et de leur rapport avec sa syntaxe ; de la musique des abeilles et du verbe être ; du Brésil vu depuis une fenêtre d’Amherst, Massachusetts ; de la traduction et de la retraduction – à quoi ça sert de faire une énième version de la même œuvre ? ; de ce que ça nous fait et de ce qu’on lui fait ; de la création (comment y accéder si nous ne sommes jamais en rapport qu’avec du déjà-créé ?) et du commentaire — et de plein d’autres choses, bien sûr : puisque vous pourrez poser vos propres questions ! À jeudi !
Laisser un commentaire