Griffonné au musée

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Et finalement, voilà le Mont Kolsaas, au milieu d’une salle « Paysages nordiques» et c’est la seule toile qui m’arrête ; parce qu’on devine qu’elle est vivante, qu’elle essaie d’être vivante, les autres toiles de la pièce représentent des paysages mais la montagne de Monet se contracte et se rétracte comme le corps d’un gros hérisson rampant au mur, colonne dorsale rose enroulée sur la colline de picots, sous la danse de nuages répondant à sa respiration. Il y a l’objet, c’est une colline, mais il y a la marque du combat du peintre avec le motif pour faire vivre quelque chose à la surface ; l’enjeu n’est pas le sujet ni l’objet mais que quelque chose d’intermédiaire apparaisse, par la vitre au parloir. La toile est posée à l’intermédiaire pour faire exister ce troisième terme. Dans ce tableau, cela se joue aux horizontales : les verticales sont « dans la nature » alors que dans les horizontales on voit la main du peintre qui force la toile à conquérir son autonomie. Le rose est trop violet pour le coucher de soleil.

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Van Gogh sortant de l’hôpital, psychiatrique, doit immédiatement vérifier quelque chose ; cela se passe dans les yeux. Les yeux sont des trous par les trous passe la peinture. Les yeux sont des trous dans le masque, le masque est la peau du visage, l’autoportrait scalpe la peau dans la peinture. Le tableau tourne autour des yeux qui se plantent dans les yeux du spectateur comme un défi gorgé, de honte. Par l’autoportrait l’inconscient doit pouvoir dire à l’inconscient : dans l’inconscient il n’y a, que de la peinture, elle coule et cette peinture, comme l’écriture, est matière de la honte. C’était une « révolution, dans la peinture » ? Un instrument servait à autre chose, il fut mobilisé pour ce nouvel usage : faire couler la peinture en matière inconsciente, de la honte sur une toile.

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Munch ne fait pas la révolution ; il utilise les aplats dégagés par Manet-la-révolution pour y faire dégorger des états d’âme objectivés. Dans sa peinture la honte a pris conscience d’elle-même. Dedans et dehors se font face. Les individus sont calfeutrés. Il n’est dehors pas même la place pour avoir peur. Un rêve où le visage ne témoigne d’aucune honte ; c’est cela qui fait honte à lui qui voit la vision peinte, prostré au cœur du dedans absolu. Dedans est un espace de la violence. Dehors un cauchemar. Munch introduit le narratif-vital dans la peinture pudique, protestante de Manet-la-révolution. Risquant le kitsch s’il s’essaie au désir. Poignant sinon, dans ses rébus de cauchemars.

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