Quatrains du palais Huaqing (1/3)

过华清宫绝句:
杜牧

(1)

长安回望绣成堆,
山顶千门次第开。
一骑红尘妃子笑,
无人知是荔枝来。

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Quatrains du palais Huaqing : 3 poèmes
Du Mu (traduction PV)

(1)

Depuis Chang’an on croirait voir un tas de broderies ;
En haut du mont, mille portes s’ouvrent l’une après l’autre.
Poussière rouge : un cheval. La concubine sourit :
Personne n’est au courant mais — arrivent des litchis !    

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Commentaire

On appelle « Jujue » ces quatrains de 20 ou 28 caractères ; il s’agit d’une forme typique de la poésie Tang, de composition très stricte car en plus du nombre de vers (4) et de caractères par vers (5 ou 7), il y a des contraintes tonales, et des rimes. La brièveté du poème pousse évidemment le poète à la méticulosité dans le choix de chacun des caractères, qui doit être en quelque sorte multi-dimensionnel, et jouer plusieurs coups dans plusieurs parties (celle du son, de la graphie, du sens ou des sens, du ton, etc.) en même temps. Évidemment, cette richesse disparaît dans la version, puisque de toutes les fonctions d’un sinogramme, on ne traduit jamais qu’une des significations possibles, en essayant éventuellement de donner une idée lointaine (je choisis des vers de 14 syllabes pour rendre ces lignes de 7 caractères) de sa forme. C’est d’autant plus le cas lorsque la différence de culture (entre un chinois du 8ème siècle et un français du 21ème) implique que l’on passe nécessairement à côté des allusions. Ainsi, dans ce poème, la concubine du vers 3 serait Yang Guefei, la favorite de l’empereur Xuanzong des Tang, considérée comme l’une des « quatre beautés » ; les « mille portes » sont celles du palais de Huaqing, situé sur le Lishan à 25 km de la capitale impériale Chang’an (aujourd’hui Xi’an), etc. Mais il n’empêche : si ce poème est un poème et peut nous parler aujourd’hui, à nous si étrangers à la culture dont il provient, c’est me semble-t-il grâce à sa dramaturgie si efficace : une perception lointaine et floue (la montagne vue comme un tas de broderies, vers 1), qui se précise dans des portes qui s’ouvrent (vers 2) désignant par synecdoque un palais dans lequel on trouve la concubine de l’empereur (vers 3). Chaque vers s’avance hardiment, de plus en plus près, jusqu’au dernier qui nous fait carrément passer à l’intérieur de la pensée de la concubine, pour nous faire découvrir ce qu’elle est seule à savoir : si elle sourit, c’est que, par ce cheval qui remue la poussière, on lui apporte ces fruits rares et exotiques — des litchis.

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