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Quand je dis que je cherche à caractériser l’intéressant d’un poème, je ne parle ni du beau, ni de l’agréable, ni du plaisant — ou autre catégorie plus ou moins subjective. Par « intéressant », je veux dire tout simplement : « susceptible de provoquer de l’intérêt ». Mais y a-t-il des choses qui plus que d’autres, objectivement, sont susceptibles de provoquer de l’intérêt ? Oui, je crois : pour de multiples raisons (certaines liées à des institutions, d’autres à l’histoire, d’autres à l’identité des spectateurs, etc.) la finale de Roland-Garros est davantage susceptible de provoquer l’intérêt que le mouvement de mes mains sur les assiettes sales quand je fais la vaisselle (en plus je suis nul). Certaines choses, ou plutôt, certaines activités, sont plus intéressantes que d’autres. D’ailleurs, dans les domaines variés de l’existence, il y a des techniques visant à rendre certaines activités plus intéressantes (la publicité, la communication politique, par exemple) et des sciences s’intéressant à ces techniques : la narratologie, la strip-teasologie. Non qu’il s’agisse pour moi ici d’appliquer à la poésie les méthodes de la communication ou de la publicité, d’exproprier les poètes de leur tour d’ivoire et de faire l’apologie de la putasserie communicationnelle : je ne dis pas que le poème doive chercher à intéresser. Le poème, je l’ai dit, ne doit rien. Je voudrais simplement tenter une strip-teasologie du poème intéressant : au nom de la science.
La première chose est donc de considérer le poème non comme une chose, mais comme une activité. J’ai suggéré la dernière fois, mais sans en dire plus, que l’intérêt du poème était en lien avec sa dramaturgie. La dramaturgie est la manière dont une action se met en scène dans un certain espace (la page, pour le poème) et dans un certain temps (le temps de la lecture). Quelle est cette action ? Chaque poème, sans doute, comme chaque pièce de théâtre, a la sienne propre. Mais on peut tenter une liste des personnages de cette action. Ceux-ci peuvent appartenir à diverses catégories (je n’emploie pas à dessein celles de signifiant et de signifié, cette dichotomie aboutissant à trop d’imprécisions), parmi lesquelles (chacun peut chercher pour lui, et éventuellement en ajouter) : la page, les caractères typographiques, les sons, la ponctuation, les codes linguistiques (les langues), la grammaire, l’intertextualité (la citation d’autres textes), le figural (ce qui se passe sur le plan des images), les énoncés (ce que « veut dire » le poème, son « message » quand il en a un), les dénotés (les « choses » dont il parle).
Voici donc quelques propositions pour commencer :
- Dans un poème, il est susceptible de se passer des choses impliquant l’une ou plusieurs de ces dix catégories de personnages.
- Dans un poème intéressant, les actions des différents personnages se centrent autour d’un drame : il existe une méta-action qui les organise ou autour de laquelle elles s’organisent (comme les gestes du juge, du public, des ramasseurs de balle et des joueurs se synchronisent en une seule intrigue à Roland-Garros).
- Comprendre le sens d’un poème, c’est savoir décrire cette méta-action.
- Pour qu’un poème soit intéressant, le sens doit non seulement être l’enjeu de la lecture (le poème intéressant n’est pas évident), mais il doit aussi être son résultat possible (le poème intéressant n’est pas illisible).
À suivre…
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